Gueules de Bourguignons -1

gueules de bourgignon Olivier Dechambre

De novembre 2021 à février 2022, trois portraits d’agriculteurs seront diffusés dans le média « We love Bourgogne » créé en 2013 et présent sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et LinkedIn. Sous la forme d’un interview décliné en de plusieurs posts, ces « Gueules de Bourguignons » retracent le parcours de jeunes agriculteurs de la région. Ce format authentique met l’humain au cœur du sujet.

Premier interview, celui d’Olivier Dechambre, producteur de maïs dans l’Yonne, diffusé le 7 novembre 2021.

« Chez nous, on est agriculteurs de père en fils ; on est installés ici depuis plus de 100 ans, depuis toujours. Mon grand-père et ses 3 frères étaient agriculteurs ; ils avaient des vaches. Mon père a repris l’exploitation de son père et de ses deux oncles. J’ai repris la ferme restante. Et aujourd’hui, nous travaillons ensemble avec mon père, et on produit des céréales : du blé, de l’orge et du maïs. On a tout imaginé, on s’est réorganisés au fil des années. Avant, on était installés dans le cœur du village, mais on passait sans cesse d’un bâtiment à l’autre. On a décidé de créer des bâtiments pour pouvoir stocker, ranger nos outils de production, un séparateur, un séchoir, etc., et de tout réunir dans le même lieu. Notre métier est technique, c’est sûr. Je le fais depuis toujours. Je ne le voyais naturellement pas de la même manière il y a 20 ans, quand j’ai commencé, je ne connaissais pas encore tous les rouages. Mais aujourd’hui, je réalise ma chance. La chance que j’ai, avec ce métier, c’est que j’ai en fait plein de métiers différents. En ce moment, je vais passer du temps dans mon stockage ; je vais passer du temps sur le travail du grain, le séchage. Mais demain, je serai chauffeur d’engins. Après-demain, je ferai de la soudure, de la métallerie. L’été, on est dans les champs. L’hiver, on fait autre chose ; notre métier change tout le temps. Et c’est tant mieux ! Ici, on a quasiment tout fait par nous-mêmes. L’escalier par exemple, celui qui monte aux silos, c’est mon père qui l’a créé de ses mains. On a un stockage qui a 20 ans, mais on sait comment le rénover. Mon père bricolait beaucoup, aujourd’hui, c’est moi qui bricole encore plus que lui. On est très libres, très autonomes pour réaliser nos projets. »

« On a eu des années difficiles en céréales. Aujourd’hui, on est plus optimistes : le prix des matières premières a augmenté, celui des céréales a augmenté, donc on a un peu plus le sourire. Je m’occupe moi-même de la définition du prix, de tout l’aspect commercialisation. Il y a plusieurs façons de fonctionner : soit confier ce volet à un organisme stockeur, et travailler sur un prix moyen, fixé à l’avance. C’est plus reposant, c’est une stratégie qui se comprend. Moi, je vends en direct. Il faut donc suivre et sentir le marché. C’est une affaire de tempérament, mais ce travail de A à Z, ça me plait. Ma chance, c’est que le maïs, c’est une valeur sûre. C’est une plante plus productive que les autres céréales. Chez nous, on est à 14 tonnes par hectare. Pour l’orge et le blé, on est plutôt à 8 tonnes. La Bourgogne n’est pas une région où on en cultive naturellement. C’est pourtant une culture « sympa ». On l’a développée depuis que j’ai commencé ; on est aujourd’hui à 80 hectares, et ce sont des hectares qui ont une belle valeur ajoutée. C’est le sens de notre démarche : chercher à créer de la valeur ajoutée sur nos hectares existants. Avec les autres céréales, quand c’est l’été et qu’il faut récolter, il y a nécessairement du stress ; de ce point de vue, la récolte du maïs est beaucoup plus tranquille, on n’a pas les mêmes problématiques, on peut récolter, qu’il ait plu ou pas. On a, c’est vrai, un autre facteur de stress lié à l’irrigation. On sait que si l’été est chaud, il faut être là pour irriguer. Mais cet été, par exemple, on a peu irrigué. En ce moment (mi-septembre, ndlr), nous sommes en train de préparer le cueilleur, cette machine. Avec celui-là, on récolte aussi du tournesol ; on est en train de le démonter pour passer au maïs. La récolte commence fin septembre et va s’étaler dans le temps, sur un mois à peu près. »

« On a la chance d’avoir des champs à proximité autour du village, autour de nos bâtiments. Nos parcelles se situent toutes dans un rayon de 7km ; les 2/3 sont dans un rayon de 3km. Il y a un côté très pratique d’être situé en périphérie de la ville de Sens ; on peut être dépanné rapidement, même en pièces détachées. C’est plus simple pour nous que pour certains collègues, qui sont loin des zones urbaines. On bénéficie en plus de paysages vallonnés, en pleine nature, en pleine Bourgogne. Ça nous permet d’échanger aussi en proximité avec le voisinage. Les gens sont très sympas ; une relation de voisinage, ça se travaille. On ne doit pas faire n’importe quoi. Si chacun y met du sien, tout se passe bien. Beaucoup me disent qu’ils espèrent que mon champ restera un champ et ne sera pas construit. Je fais tout pour, j’adapte mes productions pour tirer le meilleur de chaque terrain ; on sait quelle culture choisir pour quel champ, en fonction de leur localisation, de nos contraintes d’irrigation. En agriculture, il y a la théorie et la pratique. On fait des essais pour être guidés sur nos choix de variétés ; c’est important pour piloter notre travail. En général, sur une parcelle, on cultive du maïs pendant plusieurs années, puis on passe à une autre céréale. C’est une plante qui restitue beaucoup de carbone au sol, elle est exubérante, et c’est une bonne chose pour nos sols. Je dis toujours que le maïs aide la terre ; on fait de bons blés derrière les maïs. Notre métier, c’est de l’adaptation en permanence, de l’apprentissage en permanence. Pour, au final, faire de belles récoltes, de beaux produits, qui nourriront les gens. Ça donne du sens à ce qu’on fait. »